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Les symétries dans
l'art |
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Nous allons nous intéresser dans ces pages à la symétrie de certains objets relevant de lArt sous plusieurs de ces formes. Avant tout, il faut clarifier les termes "symétrie dun objet". Pour le mot "symétrie", le Larousse nous rappelle quil sagit dune "transformation qui, à un point M, fait correspondre un point M tel que le segment MM possède soit un seul point fixe comme milieu (symétrie par rapport à un point), soit une droite ou un axe fixe comme médiatrice (symétrie par rapport à une droite, à un axe), ou encore un plan fixe comme plan médiateur (symétrie par rapport à un plan)". Nous reconnaissons dans ces quelques lignes les transformations qui nous ont été enseignées dans le secondaire sous les noms de symétrie centrale dans le plan, symétrie bilatérale - ou orthogonale - dans le plan, et symétrie planaire dans lespace. Toutefois, nous allons approcher lidée de symétrie dune notion plus vague, plus intuitive. Nous dirons quun objet est symétrique sil est vu de manière identique sous des angles de vues différents.
Nous prendrons comme premier exemple le cube. Lorsque vous tenez un cube en main, il existe 48 points de vues différents qui vous restitueront son image fidèle. Une partie de ces points de vue est constituée de la symétrie centrale et de quelques symétries orthogonales dont les plans de symétries sont parallèles aux faces, ou bien traversant deux arêtes opposées. Mais en combinant ces symétries planaires, nous allons construire des rotations. Il nest pas bien difficile dimaginer quen tournant votre cube de quarts de tours dans plusieurs sens, vous retrouverez sa forme de départ. Le cube est donc constitué de 48 symétries.
Dans lensemble de ce document, nous nous intéresserons aux symétries suivantes: Symétries centrales et orthogonales, rotations, translations, et homothéties. Nous ne nous attarderons pas trop sur cette dernière qui na pas, à la différences des autres, la propriété de conserver les mesures de lobjet considéré.
Nous devrons également formaliser nos propos et définir clairement nos outils. Ainsi, nous éviterons le terme symétrie, et le remplacerons par le mot "automorphisme". De même, un automorphisme ne sapplique pas à un "objet", mais bien à un "ensemble structuré". Dans le cadre du cube, il nest pas difficile de le voir comme une ensemble constituée de 8 sommets, structurés entre eux par ladjacence de sommets.
Soient E et E deux ensembles structurés. Nous définissons un isomorphisme de E sur E comme une bijection a telle que a transforme la structure de E en celle de E .
Un automorphisme de E est un isomorphisme de E sur lui-même. Nous le notons Aut(E),° .
Un groupe de permutations sur un ensemble E est un ensemble G de permutations des
éléments de E tel que
1. Si b et a sont dans G, alors b ° a est dans G.
2. Si a est dans G, alors a -1 est dans G.
3. La permutation identique 1E est dans G.
Observons que Aut(E),° est un groupe de permutations.
Si En est lespace euclidien de dimension n, une isométrie de En est une permutation a des points de En qui conserve les distances. Lensemble de toutes les isométries de En forme un groupe de permutation noté Iso(En),° .
Voici en trois théorèmes la classification des isométries de E1 , E2 ,et E3:
1. Toute isométrie de la droite euclidienne E1 est
une translation
une symétrie centrée.
2. Toute isométrie du plan euclidien E2 est
une translation
une rotation autours
dun point (dont la symétrie centrée est un cas particulier)
une symétrie glissée
(une symétrie orthogonale suivie dune translation parallèle à laxe de
symétrie).
3. Toute isométries de lespace euclidien E3 est
un vissage,
déplacement hélicoïdal
une symétrie glissée,
composition dune symétrie planaire et dune translation parallèle au plan
une antirotation,
composition dune symétrie planaire et dune rotation autour dun axe
perpendiculaire au plan
Nous remarquons, comme annoncé précédemment, que les homothéties ne figurent pas dans la liste des isométries puisquelles ne conservent pas les mesures de lobjet. Laspect "symétrique" quelles procurent nest pourtant pas à dédaigner. Malgré cela, les exemples dhomothéties dans lArt ne sont pas légion. Un petit exemple vous permettra de voir de quoi il sagit en observant les deux étages supérieurs du pont du Gard, laqueduc romain situé dans le Vaucluse, en France.
En effet, le dernier étage à la "même forme" que létage central, avec une différence nette dans la taille des arches. Ainsi, il existe plusieurs centres dhomothéties situés sur le dessus du pont qui envoient toute arche du dernier étage sur toute arche de létage central.
Un autre exemple, architectural ou descriptif, peut être aperçu dans la plupart des représentations de la tour de Babel, parmi lesquelles celle de Brueghel.
Il a été dit que la source du mythe de cette tour de Babel était la Zigourat de Babylone. Sans confirmer cette hypothèse, notons que la forme des Zigourat est en effet très proche dune figure conservée par des homothétie.
Terminons cette parenthèse sur la tour de Babel en vous montrant une représentation de lédifice qui serait conservé, non pas par homothéties, mais par translation. En considérant laspect infini de ce batîment, il sagira même du seul exemple de ce site vous exposant un cas de groupe de translation infini.
Si la construction de figures homothétiques est intentionnelle, celle par symétrie orthogonale nest souvent due quà un besoin esthétique. Lhomme est lui-même symétrique suivant un axe vertical, il semble donc normal de le confronter à des objets admettant des symétries daxe vertical. Il sagit dailleur de la seule symétrie parmi celles que nous citons dont lhomme soit lobjet. Ainsi, une quantité indénombrable de monuments et batiments, et pas des moindres, ont été batis sur ce principe. Nous proposons quelques exemples en dimension 3.
Le premier est le chateau de Versaille. Notons que pour admirer la symétrie dune telle surface, il faut déjà un certain recul, et quà lépoque de sa construction, laéronautique nexistait pas. Objectivement, seuls les plans de la construction ou une vue de la facade permettaient de noter la symétrie ici présente.
La beauté de la symétrie ne doit pas forcément faire appel à des détails minutieux. Voyons par exemple lentrée du temple de Ramses II à Abu Simbel. Les statues ne sont pas identiques, mais forment dans lensemble de grandioses symétries.
LEglise sest aussi emparée de la symétrie bilatérale. Commençons par lallure des cathédrales et églises. Rares sont ces monuments qui ne possèdent pas cette symétrie. A nouveau, la symétrie ne va pas jusque dans les détails: les gargouilles, Saints, anges et autres ne sont pas dédoublés, mais lapect général est préservé.
Outre les batiments, lEglise utilise également la symétrie bilatérale au travers des polyptiques, ces panneauxpeints ou sculptés liés entre eux. Nous passons ici aux symétries à deux dimensions. La remarque faite plus haut reste toutefois valable; le polyptique présenté est symétrique dans sa forme, dans les lieux, les actions, dans les types et nombres de personages, ..., mais pas dans les détails.
Voyons enfin un exemple de symétrie bilatérale dans la musique, le seul art figurant ici nappartenant pas au domaine des arts plastiques. Notre exemple propose une symétrie bilatérale appliquée à une écriture, ici lécriture dune partition. Linitiateur nest autre que J.-S. Bach, et son oeuvre est lOffrande Musicale.
Les deux portées de ce morceau sont les symétriques lune de lautre. Malgré cet artifice décriture, la mélodie qui en ressort est tout-à-fait harmonieuse. Signalons par ailleurs que ce morceau nest pas la seule contribution de Bach aux mathématiques.
Considérons G un groupe quelconque. Soit x , une partie du groupe G. Soit <x> le sous-groupe engendré par x. Un groupe est dit cyclique sil est engendré par un seul élément, cest-à-dire sil existe un élément a de G tel que G = <a>. Lexemple de groupe cyclique que nous illustrerons est constitué des rotations du plan euclidien E2 qui conserve un n-gone régulier convexe. Nous notons ce groupe Cn. Remarquons que le choix de ladjectif "cyclique" est dû à ce groupe de rotation.
Voici le théorème de classification des groupes cycliques:
1. Si G est un groupe cyclique fini, alors il est isomorphe à Zn,+.
2. Si G est un groupe cyclique infini, alors il est isomorphe à Z,+.
Nous reviendrons sur cette deuxième partie du théorème lors de lexposé sur les
frises.
Les exemples de symétries de rotation sous forme cyclique dans lart sont assez rares. On les retrouve toutefois chez Escher dont nous reparlerons plus tard.
Le groupe des rotations nest pas le seul groupe à conserver le n-gone régulier convexe. Nous en générons un autre à partir de deux symétries bilatérales du n-gone. Ce nouveau groupe contiendra le groupe des n rotations décrit ci-dessus, ainsi que n symétries bilatérales. Ce groupe sera appelé groupe diédrique, et sera noté D2n.
Voici le théorème de classification des groupes diédriques:
1. Si G est un groupe diédrique fini, alors il est isomorphe à D2n.
2. Si G est un groupe diédrique infini, alors il est isomorphe à D.
A nouveau, nous reviendrons sur cette deuxième partie du théorème lors de
lexposé sur les frises.
Les applications de groupes diédriques dans lart sont plus courantes. Nous y retrouvons Escher.
En trois dimension, cest surtout dans les cathédrales que ce retrouvent ces "symétries de rotation". Voici par exemple la rosace de la Cathédrale de Chastres, la coupole de la Cathédrale Santa Maria Della Salute à Venise (extérieur et intérieur), la coupole de la Basilique St Pierre à Rome.
Limage suivante présente une mosquée de la ville de Kirman, en Iran. Lintérêt de cette image est de nous présenter, sur le toit de la mosquée, un panel de figure conservées par des groupes diédriques. Le plus grand de ces groupes est, semble-t-il, D22.
Enfin, voici les arenes de Nîmes, en France. Le groupe diédrique qui conserverait ces arenes serait bien plus grand que D22, si toutefois cette forme était circulaire, et non ellipsoïdale comme le sont toutes les arenes.
Nous avons présenté plus haut les symétries de
rotations du groupe cyclique Cn et du groupe diédrique D2n qui conservaient un n-gone régulier convexe. Dans le cas
infini, ces groupes de rotations deviennent des groupes de translations. Voici une
représentation graphique des groupes C et D
.
Un groupe H disométries de E2 est appelé groupe de frises si le
sous-groupe de translations de H est engendré par une translation (différente de
lidentité), cest à dire si le sous-groupe des translations est cyclique
(nécessairement infini). Tout ensemble de points du plan E2 tel que le groupe
des isométries qui le conserve est un groupe de frises est appelé frise. Il ny a
que 7 types de frises non-isomorphes. Les deux premiers types correspondent à C et D
. Voici les 5 autres
types.
Aucun monument ne pourrait représenter un groupe de frises (par définition infini): nous devons nous contenter de reproduire partiellement ces symétries, et laisser à notre imagination le soin de représenter ces batiments sils avaient une longueur infinie.
Nous avons à peine parlé de la musique. Cet art contient cependant un parfait exemple de symétrie de translation. La frise, dans la musique, cest le rythme.
Université Libre de Bruxelles | MATsch - gdemeur @ ulb.ac.be (sans les espaces) |
Mise à jour: Novembre 2000 |